lundi, février 05, 2007

Entretien avec Michel Fender, président du conseil de surveillance ENPC MBA et co-directeur de l’ENPC-MBA EHTP.

  • "Je suis sceptique face aux discours liés au label!"

  • Accélérateur de carrière, carte de visite, label d’excellence… L’engouement pour le MBA va crescendo tant du côté des candidats que des employeurs. Michel Fender, président du conseil de surveillance ENPC MBA et co-directeur de ENPC-MBA-EHTP s’insurge contre les «chercheurs de carte de visite». Il livre aussi des clés pour s’y retrouver face à une offre pléthorique.



· L’Economiste: Le MBA des Ponts et Chaussées fête cette année son 20e anniversaire. Ce master jouit-il toujours du même prestige?
- Michel Fender: C’est vrai, le marché est aujourd’hui très concurrentiel. Il y a pléthore de MBA au niveau mondial. Il y a 20 ans, quand on a créé notre MBA, on était parmi les précurseurs. La France comptait alors une quinzaine de masters contre plus d’une centaine actuellement. Aux USA, en Chine ou encore au Brésil, ce sont des centaines de programmes qui sont proposés. Dans ce marché, le MBA des Ponts se distingue toujours grâce à trois éléments. Le premier est que ce programme émane d’une école d’ingénieurs. Ce qui n’est pas toujours le cas. Au niveau mondial, il y a peu de MBA issus des écoles des ingénieurs. En général, les MBA sont issus de Business schools relevant d’universités couvrant des domaines très larges comme la médecine, l’histoire, les sciences de la vie… Le master d’une école d’ingénieurs fait le lien entre le monde de la technologie, de l’innovation et celui du management. A savoir la capacité de transformer ces innovations techniques en business, et les idées issues des laboratoires de recherche en activités récurrentes. La deuxième caractéristique est le choix de l’essaimage au sein d’un réseau contrairement à la plupart des MBA qui appartiennent à des places uniques. Pour le MBA de l’ENPC nous avons fait le choix dès le départ de nous implanter dans différents lieux. Ce qui permet, tout en développant des programmes homogènes, de s’intéresser aux spécificités locales. Chaque point du réseau doit apporter sa spécificité et partant enrichir l’ensemble du réseau. Le troisième point qui fait la différence du MBA de l’ENPC est, bien sûr, la qualité du programme et du corps professoral qui compte des sommités internationales.

· Face à une offre florissante, comment se positionne le MBA Ponts et Chaussées à l’international?

- Nous avons été pendant longtemps dans les 100 premiers MBA du monde. Aujourd’hui, eu égard à l’explosion des programmes mis sur le marché, nous sommes dans les 120 ou 130. Il faut dire que ces classements sont toujours délicats pour nous car, souvent, les critères qu’ils utilisent peuvent coller à un pays mais pas à un autre. Prenez par exemple le critère salaire, comment peut-on comparer des jeunes diplômés du MBA aux USA à leurs homologues en Inde, en Turquie ou au Maroc. Mais ce n’est pas pour autant que l’on puisse dire que le MBA aux USA est de meilleure qualité que dans les autres pays. Reste que ces classements sont des gages de qualité. Ils permettent de réfléchir à ce que l’on fait et à comment s’améliorer. Mais on les regarde aussi avec une certaine distanciation. Cela étant, nous sommes sur un marché. Il est important de jouer le jeu.

· Justement, dans certains esprits, le MBA est plutôt perçu comme un accélérateur de carrière, une sorte de label…

- Il est un peu gênant de parler d’accélérateur de carrière car qui peut aujourd’hui se prévaloir d’une visibilité claire et définitive sur sa carrière. Dans le processus de sélection, la motivation profonde de l’individu compte autant que ses capacités techniques à maîtriser un sujet donné de management. Autrement dit, ce qui est intéressant, c’est le potentiel de l’individu même. Je suis très sceptique face à des candidats qui ont un discours axé sur le label et qui recherchent plutôt une carte de visite. Je suis également réticent face à des personnes qui parlent d’entrée de jeu de création d’entreprises. Dans la sélection, nous recherchons des candidats qui, là où ils seront, dans de grands groupes ou dans une PME, auront une posture d’entrepreneurs et de créateurs de valeur.

· Les femmes sont encore peu nombreuses à suivre ce master?
C’est un peu à l’image des sociétés structurées où les femmes sont peu nombreuses dans la sphère dirigeante. Cela dit, en France, ou dans d’autres pays, la situation n’est pas très différente.

· Dans quelle mesure estimez-vous que cette formation est adaptée à la réalité marocaine?

Depuis le départ, nous avons choisi de faire de ce master un programme multi-pôles. Le même programme est dispensé dans les différents centres qui composent le réseau à travers le monde. C’est tellement homogène que des participants de différents pays peuvent passer un ou plusieurs modules dans d’autres pays. Ce qui constitue un enrichissement supplémentaire. Des cours sont communs à l’ensemble des centres, mais, parallèlement, chaque point du réseau doit contribuer à l’enrichissement de la formation en développant des cours spécifiques sur des problématiques locales. Celles-ci peuvent être d’ordre juridique, social, financier, environnemental… L’idée est de favoriser l’échange.


· En votre qualité de co-directeur du MBA ENPC-EHTP, quelle évaluation faites-vous de son évolution au cours de ses 10 ans d’existence?

Trois grandes évolutions ont marqué ce programme. La première concerne la composition des promotions. Les premières étaient majoritairement formées de cadres issus des offices, ONE, Odep, Onep… ainsi que de cadres ministériels. Le secteur privé était peu représenté alors. Progressivement, la tendance s’est inversée. Aujourd’hui, l’écrasante majorité est issue du privé. Il y a toujours des participants du secteur public et semi-public, mais le programme s’est franchement ancré dans le monde économique global du Maroc. Je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui de secteur qui n’y ait pas participé: télécoms, aéronautique, distribution,… Nous avons une représentation complète de l’économie marocaine dans ce MBA. A côté de ce premier mouvement marqué par la progression du poids du privé, il connaît un certain rajeunissement des participants. D’une moyenne d’âge tournant autour de la quarantaine, nous sommes descendus à 32-34 ans, moyenne ciblée par le programme. Au début, nous avions de gros profils, des seniors surtout, qui constituaient des sortes de «groupes test». Comme le test a été positif, la crédibilité de ce MBA a augmenté et petit à petit de jeunes profils s’y sont intéressés. Ce qui explique le rajeunissement des participants. La troisième évolution concerne la récente accréditation de ce master par l’Association mondiale du MBA. Ce qui en fait un master de référence.


Source: L'Economiste

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